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Haoua et Halimé : une victoire contre la malnutrition

 

Ferrique Kadam, 27 Août 2016. Dans un paysage naturel et sous le regard attentif de la Reine du Guéra, chaîne montagneuse et carte de visite de la région, nous rencontrons Haoua, une jeune mère nomade, qui a mené une bataille contre la malnutrition et le paludisme dont a souffert son enfant.

Haoua, 17 ans et mariée, a une fille de 17 mois (Halimé). Elle nous reçoit dans son campement nomade, dans le Ferrique Kadam, où elle s’est installée avec toute sa famille. Nous sommes près de Niergui, un village de la région sahélienne du Guéra, au Tchad.

Un voisin de Haoua, Ismael, nous raconte que « cette région est très recherchée par les familles nomades pendant la saison des pluies, pour ses pâturages frais et verdoyants où le bétail peut se nourrir ». « La culture des céréales (surtout du sorgho et du maïs) est une autre activité qui permet la survie de nombreuses familles pendant cette époque de l’année », ajoute Ismael.

Haoua prend soin de sa fille, s’occupe des tâches ménagères et cultive des arachides, du millet, du sésame et autres céréales pour subvenir aux besoins de sa famille. Néanmoins, le manque de nourriture adéquate et autres carences ont mis en danger la survie de son bébé.

Sur les raisons qui l’ont amenée au Centre de santé de Niergui pour la première fois, Haoua dit : « j’y suis allée avec ma fille parce qu’elle faisait de fortes diarrhées ». Encouragée par son mari et conseillée par un relais communautaire, qui se rend régulièrement au Ferrique Kadam, Haoua a marché plusieurs heures en portant sa fille sur le dos pour être reçue dans le Centre de santé de Niergui, situé à 15 km.

« En plus de la diarrhée, il m’a dit que ma fille était malnutrie et qu’elle était atteinte du paludisme », Haoua se souvient des paroles de l’infirmier que les a reçues au Centre de santé de Niergui.

Halimé a été admise au Centre de santé de Niergui où un traitement pour la malnutrition et le paludisme lui a été administré.

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 « Après avoir pris les médicaments, ma fille a été guérie en deux semaines », souligne la mère en arabe tchadien. Puis, lors des visites successives au Centre, Haoua a bénéficié d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi (ATPE) – plus connus sous le nom de « plim plim » ou « plumpy nut » -, et en a profité pour se fournir en farine thérapeutique, aliment indiqué également pour apporter les nutriments essentiels aux enfants.

« Le problème est que les mères méconnaissent les aliments nécessaires à l’alimentation des bébés et ignorent l’importance de l’allaitement maternel exclusif », nous précise Pambro Rigobert, infirmier ayant examiné le bébé nomade. Le professionnel, qui est aussi responsable du Centre de santé de Niergui depuis 2013, ajoute que « les contraintes de nature culturelle et les mauvaises habitudes » sont parmi les causes les plus communes de malnutrition, récurrente dans cette partie du pays, malgré l’abondance de produits locaux nutritifs.

Interrogé sur les cas infantiles les plus fréquents au Centre de santé, Pambro Rigobert dit que le paludisme, les diarhées et la malnutrion» sont les cas les plus fréquents après les infections respiratoires aigües.

Dans ce contexte, l’infirmier souligne l’importance des partenaires techniques et financiers (comme le Fonds Français Muskoka) dans la réduction de la mortalité infantile, qui « apportent des médicaments, suppléments alimentaires et moustiquaires imprégnées d’insecticide, entre autres matériels de soutien ».

Ces partenaires, explique le spécialiste, « contribuent également à la formation et à l’équipement de relais communautaires – agents de santé volontaires qui se rendent dans les villages pour conseiller les familles et identifier les problèmes de santé maternelle et infantile ». Les relais communautaires jouent un rôle important dans la prestation de soins de proximité, tant au niveau de la population qui vit dans des villages reculés ou difficiles d’accès, qu’au niveau des communautés nomades, dont la tradition dit qu’un nouveau-né ne doit pas abandonner le campement pendant les 40 premiers jours de vie.

« Nous sommes très contents du travail des relais communautaires », dit Ismael – voisin de Haoua – berger nomade, et récemment père pour la première fois. Tout comme Haoua, Ismael s’est installé avec sa famille dans le Ferrique Kadam et cultive des céréales comme le sorgho et le sésame.

Suivant les recommandations des relais communautaires, le bébé est nourri au sein maternel et Ismael sait qu’il peut – et doit – se rendre au Centre de santé de Niergui si nécessaire. « Nous sommes heureux quand nous voyons arriver des agents, nous les recevons toujours à bras ouverts ».

Emerveillés par le paysage et par cette histoire de victoire contre la malnutrition, nous partons de Ferrique Kadam pendant que Haoua prépare une bouillie à base de cacahouètes pour Halimé, qui après avoir beaucoup joué, réclame à manger d’un regard somnolent.

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Portraits croisés : Les défis de la nutrition dans le Guera

« Je suis même surprise. En quelques jours, il a très vite retrouvé la santé. On peut rentrer à la maison maintenant. »
Le mardi 25 aout, Idriss, souffrant de Malnutrition Aigüe Sévère avec complications médicales, a été référé au Centre Nutritionnel Thérapeutique de l’hôpital de Mongo.  Il a été soigné et bénéficié de 6 repas nutritifs par jour. Le samedi 29 aout, Mahamat Idriss avait repris 700 grammes et la fièvre avait disparu, pour le plus grand plaisir de Siame, sa mère qui a pu rentrer chez elle le jour même.

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« Ma fille était malade, mais c’est tombé au moment où on se déplaçait. C’était impossible de suivre le programme du centre de santé de mon village. Heureusement, j’ai trouvé de l’aide ici aussi. »

Originaire du village de Zoublié, Haoua est installée dans le ferrique Kadam en attendant la fin de la saison des pluies. Grâce au travail des relais communautaires, son enfant a été réadmis au programme nutritionnel du centre de sante de Niergui. Sa fille, Halimé se porte beaucoup mieux aujourd’hui.

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« Dans notre culture, un nouveau-né ne doit pas sortir du ferrique avant 40 jours. Ce sont nos traditions. Mais on ne refuse pas que les relais viennent nous voir et nous donne des conseils. Dieu merci, mon fils et ma femme vont bien. »

Ousmane Alamine vit dans un Ferrique Nomade dans la région du Guéra. Sa femme, Safia a accouchée sa fille à domicile dans des conditions difficiles. Grâce à la visite de relais, elle a pu recevoir des soins sanitaires et nutritionnels à domicile pour elle et son enfant, en attendant de pouvoir quitter le ferrique. après 40 jours.

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« Toute seule avec 4 garçons, ce n’est pas facile tous les jours. Je travaille dur avec mes fils pour leur offrir une vie meilleure. »

Noura cultive les champs de sa famille afin de nourrir sa famille. Le dernier a passé dix jours à l’hôpital, référé pour malnutrition avec complications médicales. Ses parents lui ont proposé de passer par les guérisseurs traditionnels, ce qu’elle a refusé.

« Chers auditeurs, vous avez l’antenne »

Par Badre Bahaji

« Au micro de la Radio Communautaire de Mongo, je suis Florence Jacob, chers auditeurs, on dit souvent qu’il vaut mieux prévenir que guérir, alors, aujourd’hui avec notre invité, nous allons parler des moyens de prévention du paludisme… »

L’entrée en scène, sous un fond musical decrescendo est parfaite et l’émission démarre dans une ambiance rythmée et maitrisée. Suis-je en face d’une journaliste chevronnée ? Suis-je dans le studio d’une grande radio nationale ? Non, Florence, une jeune fille frêle aux yeux pétillants, est une bachelière de 19 ans, membre des Jeunes Reporters Club de Mongo.

« On présente surtout des émissions qui intéressent les jeunes et des émissions sur la santé. Par exemple quand on a entendu qu’il y avait un risque d’épidémie de choléra, on a fait une émission spéciale sur les bons gestes à adopter et les pratiques à éviter, » raconte la jeune fille qui n’a pas peur de parler de sujets sensibles ou tabous comme les méfaits de la pornographie chez les jeunes.

La pertinence et le courage de Florence m’impressionne d’emblée. Florence habite à Mongo depuis trois ans. Malgré quelques difficultés à s’adapter dans ce nouvel environnement, elle est devenu une personnalité reconnue et appréciée chez les jeunes de la ville grâce aux émissions interactives qu’elle anime tous les samedis à la Radio Communautaire de Mongo (RCM) : « La radio, ça fait partie d’un tout. Je fais partie de clubs, d’associations et de collectifs de jeunes. J’espère bientôt intégrer l’université pour étudier le journalisme. »

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En attendant, elle fait parler son talent et résonner sa voix dans le studio où la chaleur est suffocante en cette fin d’après-midi. Son invité du jour est le spécialiste du paludisme à Mongo, Mr Yacoub Adouny.

Elle n’hésite d’ailleurs pas à pousser l’invité à répondre à ses questions, telle une vraie journaliste expérimentée. Les coups de fils des auditeurs s’enchainent et les réponses fusent. En moins de 45 minutes, j’ai l’impression d’avoir appris plus sur le paludisme que tout ce que je connaissais avant !

Prenons une respiration musicale avant de continuer

Vers la fin de l’émission, un auditeur pose une question inattendue : « certaines personnes sont prises d’hallucinations, et on pense souvent qu’ils sont envoutés, d’autres disent que c’est le palu’, est-ce que c’est possible ? » Florence, visiblement ravie de cette question, laisse le soin à Mr Adouny de répondre : « Oui c’est ce qu’on appelle le neuro-paludisme, une forme de paludisme aggravée qui touche le cerveau et peut provoquer des hallucinations. Le problème, c’est l’ignorance, on préfère accuser le voisin que de chercher des raisons médicales. »

Agés de 12 à 20 ans, les membres des Jeunes Reporters Clubs (JRC) portent haut la voix des jeunes dans tout le Tchad, de Moundou à Abéché en passant par N’Djaména et bien sûr Mongo. Formés par l’UNICEF aux techniques journalistiques et à la production radiophonique, les JRC sont le symbole de l’engagement et du dynamisme de la jeunesse tchadienne.

La fin de l’émission approche, la fatigue commence à se lire sur le visage des deux protagonistes enfermés dans le studio depuis presque une heure. Un signe vient de la cabine extérieure, poussant Florence à conclure : « Chers fidèles, c’est la fin de votre programme, merci pour votre temps, je suis Florence Jacob, je vous dis à bientôt pour une nouvelle émission et restez branchés sur la RCM. »